Le livre du libraire : Gwendal, de Récréalivres

30 août 2019

En tant qu’éditeur, nous revendiquons l’existence d’un fonds MeMo, d’un catalogue d’auteurs dont les titres ont une longue vie, échappant au pilon et étant même réimprimés. Nous louons le soutien des libraires indépendants, qui n’hésitent pas à faire vivre ce fonds, et non pas uniquement les dernières parutions. Dans nos conversations, ils nous citent souvent leur livre MeMo préféré, celui qui les a marqués, qu’ils chérissent et qu’ils tiennent à avoir dans leur librairie, qu’importe la date de parution. Nous avons eu très envie de partager leurs mots avec le plus grand nombre, ce regard un peu différent du nôtre sur des œuvres que nous aimons profondément.

Gwendal Oulès, de la librairie mancelle Récréalivres nous parle de Me voici, de Friedrich Karl Waechter, paru en 2010.

Cela fait bientôt dix ans que je relis régulièrement Me Voici. J’ai eu de nombreuses occasions d’en parler et d’y réfléchir avec d’autres lecteurs et c’est justement dans ces confrontations que j’ai pu éprouver invariablement la qualité, la profondeur mais surtout la singularité de cet album. Je me souviens assez précisément de ma première lecture, de ma surprise face à un livre qui contrevenait à l’époque à un certains nombres d’à priori que je me faisais de la littérature jeunesse. Je dis souvent que la lecture de cet album peut-être ressentie comme une épreuve par l’adulte lecteur. J’entends par là « épreuve » dans ses deux acceptions et j’insisterais sur la première « ce qui permet de juger la valeur ». La valeur du lecteur donc. Je suis en effet convaincu aujourd’hui que la lecture de Me Voici a permis que je devienne un meilleur lecteur et un meilleur libraire. Il fait partie pour moi des albums fondateurs de ma pratique professionnelle et je suis toujours ravi d’observer les réactions qu’il suscite quand je le fait lire à un adulte : les questions, les indignations, les aveuglements plus ou moins volontaires, les réminiscences,… Mais au final le plus troublant, le plus émouvant c’est de voir comment un enfant est capable de s’emparer de l’histoire de ce petit chat rescapé de la noyade : le plus naturellement du monde. C’est en ce sens que Me Voici interroge notre idée de ce que devrait lire ou pas les enfants, et propose une réponse à la hauteur de la confiance que nous devrions mettre en eux. Car ils sont bien souvent de meilleurs lecteurs que nous ne le serons jamais.