Cet ouvrage édité en 1998 est le carnet de voyage de deux dessinateurs de bande dessinée nantais qui ont suivi la route du Belem, le fameux trois-mâts dont le centenaire avait été célébré deux ans plus tôt. Afin de reconstituer les escales du voilier de commerce en Amazonie française, Éric Sagot et Patrice Bernard ont fouillé les archives départementales, parcouru le journal de bord du navire, lu des ouvrages de spécialistes, notamment Le Belem, cent ans d’aventure de Daniel Hillion, dont un extrait est intégré à leurs récits. Surtout, ils ont pris la mer pour revivre les sensations qu’ont pu connaître les marins du Belem à chaque escale.

Dans ce voyage à la fois réel et mémoriel, les deux compagnons de route ont dessiné des choses vues et recomposé des histoires vécues, ils ont mêlé leurs regards et leurs voix avec ceux de personnages historiques ou imaginaires. Le reportage cède devant la fiction, lorsqu’ils réinventent la dernière escale à Cayenne en 1913 de François Louis, gabier de misaine, et de Gwen Le Bourdic, mousse de seize ans. La voix du Belem lui-même se fait entendre. Mais c’est surtout autour des recontres du jeune Gwen que le récit prend une dimension mythique : le mousse croise ainsi de belles silhouettes littéraires, Jean Galmot et Corto Maltese, un chercheur d’or qui fait écho à une citation de Blaise Cendrars quelques pages plus tôt, ainsi qu’un bagnard nommé Paco, qui préfigure déjà Paco les Mains rouges qu’Éric Sagot dessinera en 2013 sur un scénario de Fabien Vehlmann.

Si le format à l’italienne est celui du carnet de voyage, la disposition du texte et de l’image exclusivement en belle page est également appropriée à ces résonances littéraires : sur la page de gauche laissée blanche, se donne à voir l’espace de l’imaginaire que l’on traverse d’une escale à l’autre. Davantage qu’un récit de route, c’est une invitation au voyage et une ode à l’aventure que nous proposent les deux dessinateurs.

Publié avec le soutien de la Caisse d’épargne des Pays de la Loire.